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Sommes-nous en dictature ? Définition

« Si nous étions en dictature, tu ne pourrais pas écrire tout ça, tu serais déjà en prison » ou bien « Tu n’as qu’à aller en Corée du Nord ou en Chine si tu veux savoir ce qu’est une dictature« . Ces phrases sont des condensés des absurdités qu’on peut lire sur les réseaux et entendre de la bouche d’un certain nombre de naïfs. Usant toujours des mêmes arguments qui leur permettent de ne pas trop s’interroger, ces personnes tiennent pour acquise une démocratie qui vacille depuis des années. Alors, sommes-nous oui ou non en dictature ?

Je vous le dis d’ores et déjà : la réponse est longue. Désolée pour les candides qui pensent qu’on peut régler la question par une ou deux phrases lapidaires ! Au demeurant, je ne prétends pas accuser ou jouer les oiseaux de mauvais augure. Mais dans une société gouvernée par l’émotion et la novlangue, il me semble important de revenir à la définition première des termes qu’on emploie.

Vous pouvez retrouver plusieurs définitions données par les dictionnaires concernant le terme dictature.

Le Robert

Encyclopaedia Universalis

Dictionnaire culturel Larousse

Si nous résumons les différentes définitions ci-dessus, plusieurs caractéristiques se dessinent. On pourrait certainement en ajouter, mais restons sur une base simple. Nous avons donc :

  • Le caractère autoritaire du régime
  • La concentration des pouvoirs
  • L’usage de la violence pour se maintenir au pouvoir
  • Le caractère exceptionnel
  • L’illégitimité
  • L’absence de contrôle par des institutions tierces ou par le peuple

Réponse : OUI

« Un régime politique autoritaire est un régime politique qui par divers moyens (propagande, encadrement de la population, répression) cherche la soumission et l’obéissance de la société » (Wikipédia). En France, la répression est forte dès qu’il y a opposition au pouvoir, comme nous avons pu le voir lors des manifestations des Gilets Jaunes, et globalement dans tous les mouvements contestataires qui ont émaillé le quinquennat macroniste.

Nous le voyons aujourd’hui avec la question vaccinale. Plutôt que de convaincre la population par des arguments mesurés et fondés sur des sources fiables, le gouvernement impose à un certain nombre de salariés la vaccination, crée une fracture sociale terrible avec le passe sanitaire et menace de faire peser les pires restrictions à venir sur les non-vaccinés.

En outre, la communication autour de l’épidémie a tourné rapidement à la propagande, définissant ce qu’un bon citoyen doit faire et établissant tous ceux qui pensent différemment comme étant une menace. Même les députés qui sont en désaccord avec la politique menée sont qualifiés d’irresponsables. Cette gestion autoritaire est d’ailleurs dénoncée tant par l’opposition politique que par un nombre croissant d’intellectuels. Et cela, bien avant que notre ami covid vienne bouleverser le cours de nos vies.

Réponse : OFFICIEUSEMENT

C’est-à-dire la concentration des pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire. Officiellement, ce n’est pas le cas. Le Parlement existe toujours, et la justice est officiellement indépendante. Or, dans les faits, il y a pourtant concentration des pouvoirs. Le Parlement est convoqué en session extraordinaire, les textes de loi votés en catimini la nuit, et si le vote ne convient pas au gouvernement… eh bien ! On vote à nouveau. Ou bien on fait appel à la réserve des voix. Bref, on épuise tous les dispositifs possibles. Si on peut, on gouverne par décret, quitte à ce que celui-ci soit illégal, car allant à l’encontre de lois (lesquelles normalement prévalent sur les décrets).

Même au sein de l’exécutif, les décisions sont parfois prises sans l’aval des ministres, qui n’ont aucune idée de ce que leur chef va annoncer à la télévision le soir. Quant à la justice, certes indépendante, elle forme un rempart bien friable. Concrètement, le chef de l’Etat détient peu ou prou les pleins pouvoirs, sans les avoir pris officiellement.

Réponse : OUI

Il serait difficile de le nier, ce que le pouvoir fait pourtant. « Il n’y a pas de violences policières » clame le ministre de l’Intérieur. Et depuis qu’a été votée la loi Sécurité Globale, il sera en effet difficile de prouver qu’il y en a. Et pourtant, on ne compte plus le nombre de blessés, et même de morts, qu’ont fait les violences lors des manifestations de 2018-2019. Je vous invite à lire cet article d’Amnesty International sur la répression et l’atteinte au droit à manifester. Il faut ajouter à cela les milliers d’arrestations arbitraires, notamment préventives. Préventif signifiant que la personne est arrêtée alors qu’elle n’a commis aucun délit, mais sur l’estimation qu’elle pourrait en commettre un. Depuis les GJ, le tribut payé par les manifestants s’est encore alourdi, et les forces de l’ordre sont bien protégées.

Réponse : OUI

Nous sommes plongés depuis 2020 dans une crise sanitaire d’abord. Mais que les mesures gouvernementales ont rendu aussi politique, sociale et économique. Nous vivons depuis mars 2020 dans un régime d’exception, soit celui de l’Etat d’urgence sanitaire soit celui dit « de transition » qui n’a de différent que le nom. Ces mesures dites exceptionnelles, transitoires, temporaires, tendent à se pérenniser. Le gouvernement recule sans cesse la date d’échéance de son régime exceptionnel. Et souhaiterait que sa gestion de crise soit érigé en modèle systémique à la moindre alerte sanitaire.

Réponse : OUI et NON

Le gouvernement actuel n’est pas illégitime, en ce qu’il a été élu démocratiquement. Toutefois, par ses actions, il est tenu aujourd’hui pour illégitime par une partie, même minoritaire, de la population. Au demeurant, cette caractéristique de l’illégitimité n’abolit pas le caractère potentiellement dictatorial d’un régime, certains ayant fait exception à cette règle.

Réponse : PARTIELLEMENT

Officiellement, notre régime politique comporte encore des organes de contrôle, comme le Conseil d’Etat et le Conseil Constitutionnel. Néanmoins, on constate que ces deux organes ne vont pas très loin dans la censure et appuient de plus en plus les décisions gouvernementales. En outre, les décrets, largement utilisés par l’exécutif, échappent au contrôle de ces organes. Enfin, le régime d’exception offre à l’exécutif une latitude extraordinaire dans la gestion de la crise, au point de se passer la plupart du temps du Parlement.

On pourrait considérer que le peuple a un pouvoir de contrôle sur ceux qui le représentent. Il est vrai que les citoyens ont toujours le droit de vote. Mais une fois ses représentants élus, force est de constater l’impuissance dans laquelle se trouve la population lorsqu’elle est en désaccord avec la politique menée. Il lui reste le droit de manifester… quand ce droit est respecté ! Nous avons vu que ce n’est pas toujours le cas. Enfin, le Conseil de Défense, détourné de sa raison d’être initiale, permet des réunions en huis-clos, sans aucune transparence.

Si on se réfère aux différentes définitions du terme « dictature » et aux caractéristiques de celle-ci, on ne peut que constater la dérive en France vers un régime a minima autoritaire. Certes, pas de manière totale pour l’instant. Il faut nuancer un terme qui regroupe bien des définitions et dont le sens a évolué au cours des siècles. Pour répondre aux candides, déjà la comparaison avec la Chine ou la Corée du Nord est inappropriée. On ne peut comparer la France avec des régimes dictatoriaux établis de longue date. En outre, le régime chinois va au-delà de la simple dictature, et présente toutes les caractéristiques du totalitarisme.

Il faut reconnaître qu’il nous est encore possible de nous exprimer sans atterrir automatiquement en prison. Cela étant, ce serait faire peu de cas des manifestants et opposants qualifiés d’ultra-gauche durement réprimés. Ce serait oublier aussi le contenu hallucinant de la loi Sécurité Globale ; et les décrets de fichage qui sont passés fin 2020, lesquels entendent ficher les individus non plus seulement pour leur activité politique ou religieuse, mais aussi pour leurs opinions. Et que dire de la volonté de l’exécutif de contrôler l’historique de recherche Internet de toute sa population, sous couvert de lutte contre le terrorisme ?

Toutes ces questions-là feront l’objet d’un nouvel article. A présent que nous pouvons reconnaître dans le régime actuel certaines caractéristiques, bien que partielles, d’une dictature, il faut se pencher plus longuement sur ses spécificités. Entre gestion autoritaire et tentation totalitaire, il y a de quoi s’alarmer. A suivre.

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