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Interview de Patrick Moindrault, poète

Après avoir découvert le beau recueil de haïkus de Patrick Moindrault, De tout et de rien ainsi que Poésie des jours de pluie, je remercie vivement l’auteur de m’avoir accordé cet entretien très intéressant.

Je vous laisse découvrir Patrick Moindrault à votre tour et sa belle philosophie de vie !

Tout d’abord, un grand merci pour cet entretien. Je vais essayer de faire court, mais je ne promets rien ! Cela risque en fait d’être un peu long. À un niveau personnel j’ai fait pas mal de boulots, petits ou grands : manutentionnaire, ouvrier d’usine, militaire, informaticien, infirmier… J’en oublie sans doute un ou deux. Pour l’écriture, plus jeune j’avais tenté plein de petites choses, histoires et poèmes, avec le recul pas très aboutis… Et qui ont fini au feu ! Un deuxième prix à un concours tout de même. Puis j’ai commencé par deux romans où je voulais faire passer des messages forts au travers d’un écran de légèreté, pour avoir un second niveau de lecture à qui le percevrait. Je pensais avoir des choses à dire.

Mais hélas mon « œuvre » se comprend sans doute plus facilement à rebours, en abordant ma poésie pour ensuite mieux appréhender ma fiction, qui ne rentre pas dans les cases. Je le ressens ainsi. Alors j’ai bifurqué sur la poésie pour sentir une bouffée d’oxygène, de liberté. Goûter aux chemins de traverse, avant de proposer dans quelques mois un recueil de nouvelles, qui rien qu’à les évoquer me donnent le sourire, car je vous les promets très surprenantes !

Il y a une opposition forte, entre contrainte sur la forme et liberté de l’écriture, dans les haïkus. Cette contradiction est stimulante. Beaucoup d’intégrisme aussi sur le fond, sur le nombre des syllabes… Tout cela est stupide, car un vrai haïku ne pourra jamais être autre chose que japonais. On peut en garder l’esprit, mais l’écart entre Japon et occident est tel dans l’écriture comme dans la mentalité profonde, dans le sens de la vie et surtout sa place au milieu d’un monde profondément animiste, qu’un haïku occidental ne peut se définir que comme un « machin d’environ dix-sept syllabes ». Tout le reste n’est qu’imposture.

Les haïkus sont aussi je trouve, un excellent exercice à faire au quotidien pour tout auteur. Une façon très ludique de faire jaillir des images et travailler sa créativité sans en avoir l’air. J’en ai je ne sais combien de centaines en réserve, entre ceux du recueil « De tout et de rien » et ceux que je crée au jour le jour pour mon opération « 2017 : un haïku par jour » sur Facebook.

Ce n’est pas à moi de le dire. Je fais de la poésie pour offrir des images et des musiques de quelques mots. Je suis juste un tenancier d’auberge espagnole. La poésie, je n’en comprenais pas grand-chose à l’école. Le besoin d’analyser longuement avant de comprendre… Pour quel intérêt ? Pour moi, un poème doit présenter des émotions, des images immédiates, fortes, sans avoir à tout intellectualiser. Quitte à ressentir quelque chose même parallèlement aux intentions de l’auteur, qu’importe.

J’ai longuement hésité à dévoiler ma poésie, C’est quelque chose de très intime. Avec un roman on peut bâtir tout un univers où l’on est complètement absent, d’un point de vue autobiographique je veux dire, mais avec la poésie on ne triche pas, on se montre à nu, vulnérable. C’est peut-être pour cela que j’ai commencé par les haïkus, pour conserver l’épaisseur d’un paravent, avant de m’attaquer à la poésie comme on l’entend habituellement. Ce qui ressort de mes poèmes est ma vision du monde avec son originalité, sa sensibilité, j’espère son humanisme, parfois ses désillusions.

La poésie appartient à un genre mineur mais d’un autre côté, la vraie, est une chose sérieuse et guindée. Et donc pour moi de profondément ennuyeuse. D’autre part, en regardant dans les rayons des gros marchands de livres, on ne trouve souvent qu’une poignée de classiques et plus rien d’autre. Il faut se lever de bonne heure pour trouver ne serait-ce que la délicatesse d’un François Cheng. La poésie, pour être mieux considérée, demande à être dépoussiérée, sans rimes niaises ni parler des petits oiseaux, et si je peux y contribuer, j’en serais très heureux… et surtout très honoré ! Plus sérieusement, Je suis partisan d’une poésie forte, parfois déstructurée, vous en avez un magnifique exemple avec celle d’Ingrid Suzie Kim et ses « Déambulations » que j’ai découvert, hasard de la vie ou synchronicité, après avoir publié ma « Poésie des jours de pluie ».

Grand lecteur, peut-être pas, mais en tout cas assez éparpillé. Dans le désordre et à des degrés divers, j’espère en cherchant bien qu’on puisse trouver chez moi une pincée de B.Vian, E.M.Cioran, D.Pennac, W.Faulkner, M.Houellebecq, A.Kourkov, H.D.Thoreau ou R.W.Emerson. Et pourquoi pas quelques gouttes de G.Bachelard, F.M.Dostoïevski, S.Tesson ou A.Nothomb… À vous de voir !

C’est un peu un choix par défaut. Actuellement, l’auteur sorti de nulle part qui envoie son manuscrit et signe chez un grand éditeur est un mythe, il y a presque plus de chances de gagner au loto que d’être édité chez Grasset ou Gallimard. Je suis un auteur heureux à chaque fois que j’ai un retour enthousiaste, mais en ce qui concerne le volume de mes ventes… Je ne voudrais désespérer personne (rires) !

L’écriture peut me prendre n’importe quand, alors j’ai toujours des bouts de papier dans les poches. Ils sont parfois déjà griffonnés de partout, mais je trouve toujours une petite place ! Je note n’importe quoi, n’importe où, quelques mots ou une page entière. Des idées me viennent souvent à vélo. Battre la campagne est un excellent exercice méditatif, alors je note quelques idées en roulant… En essayant de ne pas tomber ! La nuit est aussi un de mes moments préférés. Dans le silence et l’obscurité, tout peut rejaillir, alors j’ai un calepin au pied du lit. J’ai appris à écrire dans le noir, pour ne pas déranger mon épouse. Si au matin l’idée en vaut la peine, elle sera lisible, sinon tant pis, elle n’en valait sans doute pas la peine !

Avec quatre livres publiés mais des ventes assez modestes, je ne suis sans doute pas le mieux placé pour donner des conseils. Ecrire est un sacerdoce, une malédiction, pas un passe-temps. Néanmoins il faut se laisser tenter, car l’aventure peut-être belle, et elle le sera dans certains aspects. Il faut avoir pleinement conscience de cette ingratitude avant de se lancer, après il est trop tard. Il faut être résistant à l’indifférence et à la solitude du coureur de fond, bouffer de la vache enragée à chaque repas, jusqu’à la nausée, et travailler, toujours.

Travailler encore, ne pas se contenter d’un premier jet, ni du dixième d’ailleurs. Laisser reposer, et y revenir tant qu’un seul détail est perfectible. Ne demander de l’aide que pour ce que vous ne pouvez pas faire vous-même, sans céder à la facilité ou la paresse. Travailler et retravailler le moindre détail. Ne jamais faire de concessions sur la qualité. Et surtout être sincère, toujours, écouter son instinct et son envie d’écrire, sans suivre les modes ni sombrer dans les cloaques du marketing. Ne pas tricher avec les lecteurs ; enfin c’est ma façon de voir les choses.

Plein, même trop. C’est un vrai problème ! J’ai un troisième roman bien avancé, mais je sens que ce n’est pas le moment. Il faut que je finalise mon recueil de nouvelles assez jouissives, et après, en fin d’année sans doute, je sortirai un deuxième tome de poèmes et d’haïkus. J’ai aussi un livre de voyages, surtout intérieurs, à mettre sur pied ; un autre d’anecdotes (je ne vous dirai pas encore dans quel domaine) ; et deux ou trois bouquins techniques, mais c’est autre chose. Bref encore du travail pour beaucoup d’années, hélas ou tant mieux !

Un roman classique : « L’idiot » de Dostoïevski

Un roman contemporain : « Il pleuvait des oiseaux » de Jocelyne Saucier

Une pièce de théâtre : « Entretien avec un Mythomane » de Patrick Moindrault. Je plaisante, mais il ferait une magnifique adaptation.

Un poème : « Qui suis-je ? » d’Annajo Janisz / Slamésie d’amour

Un auteur : Blaise Cendrars

Un personnage de roman : Jean Valjean

Un genre littéraire : conte

Un mot : dictionnaire

Une citation : « Je me demande si je ne suis pas en train de jouer avec les mots. Et si les mots étaient faits pour ça ? » de Boris Vian / L’écume des jours.

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